Poncharal : « Zarco nous a épatés »

Hervé Poncharal, patron du team Monster Yamaha Tech3, est revenu pour motogp.com sur les prestations de ses deux rookies lors du #QatarGP.

Tout d’abord qu’avez-vous pensé du premier week-end en MotoGP réalisé par vos deux pilotes Johann Zarco et Jonas Folger. Est-ce que vous avez été surpris de les voir aussi compétitifs ?
Si nous les avons signés, c’est que nous avions confiance en leur potentiel. Mais être aussi forts, aussi rapidement, alors qu’un temps d’adaptation plus ou moins long est normalement nécessaire entre le Moto2™ et le MotoGP™, ça c’est quelque chose que l’on n’attendait pas. Alors oui, nous avons été surpris, mais nous l’avions déjà été lors des essais hivernaux. Ceci étant, il ne faut pas s’emballer, il est évident que les performances sont souvent meilleures aux essais, en l’absence de toute pression et sur la grille cette dernière était bien là. Jonas était très stressé pour sa première course et les conditions climatiques -assez peu courantes au Qatar- que l’intégralité du plateau MotoGP™ a dû affronter, n’ont rien arrangé. En ce sens je n’ai pas été surpris par son départ moyen. Il s’est ressaisi par la suite, c’était en deçà de ce qu’on aurait pu imaginer, mais je suis certain que ça ira mieux sur les prochaines courses. Par contre, Johann nous a complétement épatés.

Concernant la course de Johann, qu’est-ce que vous vous êtes dit au moment où il a fait l’intérieur à Maverick Viñales et Marc Márquez au premier virage ?
Avant tout j’ai ressenti une énorme fierté et à côté de ça on se dit : ‘Ouh ! là là... faire de tels dépassements en début de course, c’est quand même très osé, ça peut vraiment mal se terminer !’ Et non seulement il a bouclé le premier tour en tête, mais il s’est ensuite échappé et a signé le meilleur tour en course. À ce moment-là, j’étais un peu dans un état second, je n’arrivais pas tout à fait à réaliser. Même après de bons essais c’était tellement inattendu, tellement magique. Je me disais : ‘C’est vrai ou tu es en train de rêver ? Allons Hervé, réveille-toi ! Johann ne peut faire pas l’intérieur à Maverick ou à Marc au premier freinage, il ne peut pas creuser un tel écart.’ Et pourtant, si !

Et puis arriva cette chute au septième tour…
Sur le moment je reconnais avoir pensé ‘mince, il n’aurait pas dû pousser autant.' Il était en tête ! Au pire des cas, on terminait cinquièmes, alors que notre objectif de départ était un Top 8. La déception était énorme avant que Johann ne revienne au box et nous explique exactement ce qu’il s’était passé : ‘Je m’en veux, me confiait-il. Je ne suis pas tombé parce que j’attaquais, même si beaucoup de gens vont le penser. Comme je me sentais bien sur la moto et que j’avais une petite avance, je m’étais dit au contraire, maintenant calme-toi, ne prends pas trop de risques.’ Et en se relâchant, il a légèrement dévié sur la partie qui était plus sale dans le virage 2, une des courbes les plus difficiles du tracé et la sanction fut immédiate. J’avais encore plus de peine en l’écoutant.

La nuit, on se refait le film de tout ça et on se dit : ‘Si on avait gagné ce Grand Prix, ça aurait été de la folie.’ Nous ne sommes pas habitués à vivre ce genre de moments. En plus cette fois toutes les planètes étaient correctement alignées : nous étions bien partis et nos adversaires n’étaient pas forcément en pleine forme. Mais Johann m’a dit : ‘J’ai vu que je pouvais rouler devant, rivaliser face à ténors comme Rossi, Viñales, Márquez… Je te promets, on va le refaire.’ Et ça, ça met du baume au cœur.

Johann Zarco, Monster Yamaha Tech 3, Grand Prix of Qatar

Justement dans quel état d’esprit était-il lorsqu’il est revenu au box et vous, quels ont été vos premiers mots ?
J’ai rarement vu un pilote qui revient avec cette attitude, où il s’excuse mais explique de manière très claire ce qu’il s’est passé, sans s’énerver comme aurait pu faire un pilote qui vient de connaître une telle désillusion. Il n’a pas cherché à dire ‘ce n’était pas le bon pneu’ et pourtant en sports mécaniques, des excuses on peut en trouver un tas. Là rien ! Il a totalement assumé ce qu’il a fait, il est allé répondre aux questions des journalistes. C’est quelqu’un de très honnête, avec un gros respect pour son entourage et son équipe technique. Ce personnage est incroyable sur la piste mais aussi en dehors. Alors je lui ai dit : ‘Johann, ce que tu as fait, c’est sublime. Ça restera dans l’histoire du sport français et du sport moto en général.’

Quel regard portez-vous quant aux déclarations faites par Viñales, Dovizioso et Rossi au sujet de Johann en conférence de presse ? Vous réalisez avoir marqué les esprits de vos adversaires ?
Johann a été très touché par ce que Valentino Rossi et les autres pilotes ont dit à son sujet. Ces propos nous ont rendus très fiers mais quelque part, les entendre dire qu’ils ne pouvaient rien faire pour le stopper, qu’ils ne comprenaient pas comment il avait pu imprimer un tel rythme, ça remue aussi encore plus le couteau dans la plaie car ça confirme qu’il y avait vraiment un coup à jouer. Cette course, on pouvait éventuellement la gagner.

On tourne la page du Qatar. Place au Grand Prix d’Argentine. Que peut-on attendre des pilotes Monster Yamaha Tech3 ? Est-ce qu’on revoit ses objectifs après une telle prestation ?
Sur le papier au Qatar, nous avons obtenu une dixième place et un abandon. Nous allons donc essayer de faire mieux en Argentine. Mes propos sont un peu provocateurs,. En fait j'ai demandé à Johann et Jonas comment ils sentaient cette épreuve et tous deux m’ont répondu ‘On adore !’, ce qui est plutôt bon signe. Jonas y subira moins le stress et Johann a le moral au beau fixe, car même si la déception était énorme après sa chute, il dressait un bilan très positif de son week-end qatari. Il faudra travailler, c’est évident. Les circonstances seront aussi peut-être moins favorables. Je sais que les Honda et surtout Marc Márquez seront beaucoup plus forts sur cette piste. Pareil pour les Ducati et de son côté, Valentino Rossi souffrira peut-être moins. Nous n’aurons donc sûrement pas la possibilité de refaire le départ que nous avons réalisé au Qatar, mais nous avons bien l’intention de nous battre face aux ténors, aussi souvent que possible et nous savons maintenant que nous en sommes capables.

Sans aller jusqu’à commettre des erreurs car nous avons conscience du niveau de difficulté, nous sommes animés par vent d’optimisme. Nous avons confiance en nos capacités, en notre package technique. Yamaha nous met à disposition une moto ultra compétitive, preuve en est, elle a permis à Johann de mener une partie de la course devant dimanche. En tout cas, je veux en finir avec cette vision du MotoGP en deux groupes avec d’un côté les pilotes d’usine qui occupent les sept, huit premières places et les autres. Johann Zarco, Jonas Folger, Álex Rins, tous ces jeunes venus du Moto2™ et d’autres pilotes satellites sont tout à fait capables de se bagarrer devant, avec le travail mené par la MSMA, la Dorna, la FIM et l’IRTA, en termes de réglementation. Il suffit de bien les encadrer. Jonas et Johann font partie de ceux qui ont amené un vent de fraîcheur au MotoGP et nous comptons bien prouver que ce début de course de Johann n’est pas le fruit du hasard, que c’est un coup de génie, qu’il pourra reproduire sur d’autres épreuves.