Le dilemme des consignes d'équipe, par Nick Harris

L'ancien commentateur du MotoGP™ évoque la situation actuelle de Ducati et nous parle de cas similaires dans le passé

Le MotoGP™ n'existait peut-être pas à l'époque où William Shakespeare lançait sa célèbre phrase « Être ou ne pas être, telle est la question », mais une interrogation similaire agite la scène MotoGP™ plus de 400 ans plus tard. Alors qu'on s'approche à grands pas du dénouement de cette saison à Valence le mois prochain, le passage ou non de consignes d'équipe est le principal sujet de discussion dans le paddock et au-delà.

Elles n'ont certes pas eu d'impact lors de la course spectaculaire à Motegi, mais le zéro pointé de Pecco Bagnaia au Japon ne fera qu'augmenter la pression sur les pilotes Ducati pour aider la cause du n°63. C'est une question difficile, avec des exemples et des réponses à tous les arguments. Après avoir signé une remontée qui semblait impossible sur Fabio Quartararo, il est certain que Pecco Bagnaia mérite toute l'aide dont il a besoin de la part du clan italien. La question est de savoir ce qu'on entend par là. Il faut absolument que les team managers soient parfaitement clairs lorsqu'ils disent à leurs pilotes ce qu'ils attendent d'eux. C'est lorsque des points d'incertitude apparaissent que les problèmes commencent et que la méfiance s'installe.

Un exemple classique de cela s'est produit il y a longtemps, lorsque Phil Read et Bill Ivy étaient coéquipiers chez Yamaha. Après le départ de Honda en 1967, Yamaha a dominé les Championnats du Monde 250 et 125cc sur ces magnifiques machines quatre cylindres à deux temps. Avant la saison 1968, Yamaha et les pilotes ont décidé que Bill Ivy, déjà titré en 125cc, remporterait le titre 250cc et que Phil Read, ancien Champion du Monde 250cc, s'adjugerait la couronne en 125cc. Tout se passait comme prévu avant que Phil Read, qui n'a jamais été considéré comme le meilleur coéquipier, ne revienne sur l'accord initial.

Le septuple Champion du Monde décroche le titre 125cc à Brno et annonce à son coéquipier son envie de faire le doublé. Ce nouveau deal est surtout palpable lors de la dernière épreuve à Monza, riche en colère et accusations. Phil Read bat Bill Ivy au terme des 22 tours de la course 250cc et, fait incroyable, les deux hommes finissent à égalité de points au général, mais Phil Read est titré après addition des temps de course respectifs de chaque GP. Bill Ivy, totalement anéanti et désabusé par ce retournement de situation, se retire et part en course automobile. Il fait son retour sur deux roues pour financer ses courses et se tue au Sachsenring en 1969. Phill Read continuera à gagner des titres mondiaux et à contrarier ses coéquipiers.

Pecco Bagnaia et Enea Bastianini n'ont peut-être pas vraiment marché sur des œufs dans leurs duels du dernier tour à Misano et Aragón, mais ils ont montré beaucoup de respect l'un pour l'autre. Même sans recevoir de consignes d'équipe, les pilotes savent qu'ils ne doivent pas ruiner leurs chances au Championnat en tentant une manœuvre stupide à un moment crucial, demandez à Dani Pedrosa. Personne, et surtout pas le Repsol Honda Team, n'oubliera cet après-midi à Estoril en 2006, pour l'avant-dernière manche du Championnat du Monde.

Le leader Nicky Hayden se rend au Portugal avec 12 points d'avance sur Valentino Rossi et est confortablement installé en troisième position de la course derrière les Yamaha du Docteur et de son coéquipier Colin Edwards. L'autre représentant du Repsol Honda Team, Dani Pedrosa, est juste derrière lorsque le groupe aborde le gauche délicat au bout de la ligne droite, à 23 tours du drapeau à damier. Le Champion du Monde 250cc Dani Pedrosa freine trop tard, mord sur le vibreur, bloque la roue avant et glisse, entraînant dans sa chute son coéquipier Nicky Hayden. Les 12 points d'avance au championnat disparaissent dans un nuage d'étincelles, de graviers portugais et de jurons américains. Valentino Rossi passe donc leader avec huit points d'avance avant la dernière manche à Valence. Je ne sais pas qui était le plus heureux là-bas. Nicky Hayden a été sacré Champion du Monde après avoir terminé troisième tandis que Valentino Rossi a chuté. Dani Pedrosa a suivi et protégé son coéquipier en quatrième position tout au long des 30 tours, sans jamais trop s'en approcher.

Consignes d'équipes ou non, certains coéquipiers ne vont jamais s'entraider. Vous imaginez Valentino Rossi et Jorge Lorenzo se donner un coup de main à l'époque électrique de Yamaha. Ce ne sont pas seulement les coéquipiers mais aussi les compatriotes qui peuvent vous aider à gagner des titres mondiaux. En effet, il ne fait aucun doute que la « mafia » italienne s'est liguée contre le Néerlandais Hans Spaan pour permettre à Loris Capirossi de devenir le plus jeune Champion du Monde lorsqu'il a remporté la dernière épreuve du calendrier 125cc en 1990 à Phillip Island. Il y a sept ans, la guerre Rossi/Márquez a commencé lorsque le Docteur a accusé le n°93 de ralentir le rythme à Phillip Island pour aider son compatriote Jorge Lorenzo dans sa quête du titre.

Il reste donc quatre courses à disputer, avec toutes ces intrigues, ces complots et ces sous-intrigues. William Shakespeare aurait apprécié chaque minute de ce spectacle.

Regardez les courses en Direct ou OnDemand, et profitez avec le VidéoPass, de tout le contenu motogp.com, qu’il s’agisse d’interviews, de sujets techniques… ou encore d’épreuves historiques.