Poncharal : « Une phase de compréhension très importante »

Hervé Poncharal revient cette première partie d’interview sur les débuts de la collaboration Tech3 – KTM en MotoGP™.

2019 sera marquée sous le signe du changement pour Tech3. Après 20 années de coopération avec Yamaha, la structure française a en effet décidé de se tourner vers KTM ; un tout nouveau chapitre qui s’est ouvert au surlendemain de la grande finale valencienne.  Depuis quatre journées d’essais – plus ou moins constructives, se sont déroulées.

Trois semaines plus tard, motogp.com a pu s’entretenir avec le patron du team en la personne d’Hervé Poncharal pour qu’il nous fasse part de son analyse, avec un peu plus recul. Une première partie d’interview dans laquelle il aborde la formation récemment reçue par son équipe à l’usine KTM, en plus de cette phase d’adaptation ô combien primordiale, sans oublier l’arrivée Miguel Oliveira et tout l’aspect logistique engendré par de tels changements.

A Valence, Tech3 est entré dans une nouvelle ère, en débutant officiellement sa coopération avec KTM. Quelques semaines plus tard, quel regard portez-vous sur ces deux premiers Tests de pré-saison ?
« Cela va de soi, nous avions tous hâte d’être à Valence et forcément dans un tel état d’esprit, on a toujours à cœur d’en faire beaucoup plus. Hélas, nous n’avons pas énormément roulé durant ces deux jours, car la piste aura longtemps été humide et puis les pilotes n’avaient qu’une seule moto ; autant dire que la moindre intervention les clouait systématiquement au box. On aura vraiment eu l’impression d’avoir à peine effleuré ce nouveau chapitre, du coup on attendait avec encore plus d’impatience Jerez et force est de constater que ce Test fut beaucoup plus constructif. Déjà les conditions étaient bien meilleures, sans compter qu’on avait alors une idée plus précise sur le fonctionnement de cette machine. Au final, nous avons bien progressé… Après nous sommes conscients qu’il y a encore pas mal de chemin à parcourir, pour envisager de se battre dans le Top 5. En fait, il faut qu’on puisse davantage rouler, pour que les pilotes adaptent leur style de pilotage et que le staff technique comprenne parfaitement cette RC16. C’est comme ça qu’on parviendra à en tirer sa quintessence. D’autre part, la moto devrait désormais évoluer plus rapidement, compte tenu du fait qu’il y a non plus deux, mais quatre pilotes pour leur faire remonter un feedback. Des pilotes entourés qui plus est de personnes en provenance d’autres constructeurs… de chez Yamaha et de chez Honda avec l’arrivée de Dani Pedrosa au poste de pilote essayeur ! En tout cas, ça fait vraiment chaud au cœur de faire partie d’un tel projet, de voir autant de gens impliqués et attentifs à nos commentaires ! »

Qu’est-ce qui est le plus difficile à intégrer, d’un point de vue technique, lorsqu’une équipe – habituée à travailler pendant des années avec une marque – change soudainement de constructeur ?
« Nous ne partons pas complétement dans l’inconnu pour ce qui est de l’ECU, des pneus ou des freins… Mais c’est clair que la RC16 a un châssis tubulaire acier, en parallèle de son V4 ; alors que celui de la M1 est en aluminium et que son moteur est un quatre cylindres en ligne. Les ingénieurs ont également une manière de travailler différente avec l’électronique, bref autant de choses auxquelles il va falloir s’adapter ! Cette Yamaha, on la connaissait sur le bout des doigts… Rien qu’en écoutant le pilote, on savait quelle direction suivre au niveau réglages. Le but étant de pouvoir faire prochainement pareil avec la KTM et de façon réactive car l’air de rien les séances sont courtes. Pour mieux appréhender cette moto, mieux vaut donc enchaîner les tours. C’est une phase importante. KTM a d’ailleurs décidé de mettre à profit ses concessions en faisant rouler ses quatre titulaires les 1, 2 et 3 février à Sepang, en plus des 6, 7 et 8 ; un shakedown d’ordinaire réservé aux pilotes essayeurs. Ça nous aidera à mieux cerner cette moto, sachant que Hafizh et Miguel auront cette fois le deuxième prototype que nous venons d’assembler. Tout devrait ainsi aller beaucoup plus vite. »

Justement comment s’est passée cette récente formation chez KTM ?
« Tout s’est très bien passé. Il y avait plein de choses à découvrir d’un point de vue technique et puis c’était l’occasion de faire connaissance avec tous ces gens qui travaillent d’arrache-pied à l’usine, qui n’étaient pas forcément présents lors des Tests et qui ont besoin de nos commentaires pour faire évoluer cette moto. Les équipes de Pol Espargaró et de Johann Zarco étaient également présentes. Ensemble, nous avons assemblé la deuxième moto sans pression du temps, tout en échangeant. En tout cas, on ne peut être qu’impressionnés quand on voit l’infrastructure, l’investissement qu’ils ont mis dans ce projet… Ils ont envie de bien faire et se donnent les moyens de réussir ! »

D’un point de vue logistique, hospitality… avez-vous désormais une idée plus précise sur la façon dont tout ça va s'organiser pour Tech3 ?
« En termes de logistique, c’est effectivement l’hiver de tous les challenges. On passe non seulement de Yamaha à KTM, mais aussi de Monster à Red Bull, de Motul à Elf. Bref, il faut tout refaire : l’aménagement du box, les camions, les motos, les boîtes à outils… Ça paraît un détail comme ça, mais en réalité c’est juste énorme. Et comme nous n’avons pas des moyens illimités, bien souvent ce sont les mêmes personnes en interne qui sont mis à contribution. Concernant l’hospitality, la Red Bull Energy Station devait au départ accueillir l’intégralité de la famille Red Bull – KTM, mais ça fait beaucoup de monde l’air de rien. Cette structure - certes immense - aurait été un peu surutilisée ! Nous en avons discuté avec Pit Beirer dès Misano et il a finalement été convenu que cette Red Bull Energy Station serait réservée en priorité à l’équipe technique MotoGP™/Moto2™. En parallèle, nous aurons la structure que vous connaissez, qui sera peut-être dédiée davantage aux autres partenaires, à des opérations spécifiques KTM… de telle sorte à faire plus de réceptif. »

Cette année, un nouveau pilote tout droit venu du Moto2™, rejoint votre structure MotoGP™ : Miguel Oliveira. Justement, comment avez-vous perçu son adaptation ?
« Avec Miguel on se fréquentait un peu, mais on n’apprend à connaître le pilote que quand on commence à travailler avec lui. De l’extérieur, il semble plutôt réservé, pour ne pas dire timide, alors qu’en fait c’est quelqu’un d’assez ouvert, avec un certain sens de l’humour. Il a même commencé à apprendre le Français et il s’en sort déjà très bien ! C’est également un pilote intelligent, pointu. On sait ce dont il est capable, on l’a bien vu ces dernières années que ça soit en Moto3™ ou en Moto2™. Il jouait d’ailleurs le titre face à Francesco Bagnaia jusqu’en Malaisie. Quand on est rookie, il faut certainement plus de temps pour être performant sur une KTM, comparé à une Yamaha ou une Suzuki. De mémoire il était 1,5 seconde derrière Hafizh à Valence, mais à Jerez ils terminaient déjà dans les mêmes chronos, ce qui est plutôt encourageant sachant qu’ils n’ont pas pu faire énormément de tours. On avait d’ailleurs demandé à Hafizh de rouler devant lui durant quelques tours et les deux ont joué le jeu. Je suis très content. »

La deuxième partie de cette interview, dédiée cette fois au Moto2™ et au MotoE™ sera à découvrir très prochainement ici-même.

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