Tour d’horizon des francophones du paddock : Miodrag Kotur

Le COO de Leopard Racing vous retrace sa trajectoire, tout en revenant sur cette brillante saison 2019 avec le duo Dalla Porta – Ramírez.

Comment avez-vous attrapé cette passion des sports mécaniques ?
« Quand j'étais jeune, j'étais vraiment passionné par le rallye Paris-Dakar, à tel point qu’il m’arriver de sécher les cours pour suivre ne serait-ce la fin des étapes, car à l’époque elles étaient diffusées en Direct. »

Décrivez-nous les grandes lignes de votre parcours.
« En 1988, j'ai eu une opportunité pour travailler chez Peugeot Talbot Sport, qui disputait alors le Dakar. Ça devait être seulement pour deux ou trois courses mais Jean Todt m'a remarqué et, grâce à lui, les années ont défilé. J'ai donc vécu l'engagement des Peugeot 905, avec notamment ces deux victoires aux 24 heures du Mans. Puis, j’ai suivi Jean Todt chez Ferrari. J’y suis resté jusqu'à fin 2009, et quand il est parti à la FIA, j'ai intégré Lotus. On nous y avait promis des gros budgets, qui ne sont malheureusement jamais arrivés. Trois ans plus tard, je suis alors devenu team manager chez Caterham, mais là encore nous avons été confrontés à des problèmes financiers. Fin 2014, Flavio Becca m’appelle pour me proposer de créer un team Moto3™. J'étais un peu sceptique car je ne connaissais rien à la moto, hormis quelques déplacements au Mugello quand j'étais chez Ferrari. Mais il m'a rassuré, et il avait raison car nous avons été sacrés en 2015, dès notre première saison. »

Quels sont les moments les plus difficiles auxquels vous avez dû faire face ?
« La période la plus difficile, mais aussi la plus belle, a été nos débuts chez Ferrari en 1993. Avec Jean Todt, on habitait une très grande maison et on passait nos journées à travailler. C'était tellement exigeant qu’au bout de quelques mois, je lui ai même dit que l'on ferait mieux de repartir chez Peugeot où on était beaucoup mieux. À vrai dire, à cette époque, il était très difficile de faire évoluer les mentalités chez Ferrari : Maranello était un petit village où tout le monde se connaissait. Changer quoi que ce soit, c’était le risque de se heurter à une forte opposition. La première année a d’ailleurs été particulièrement difficile car les habitants et les journalistes italiens voyaient d'un très mauvais œil que ce Français vienne s'occuper de leurs affaires. En ce qui me concerne, on me traitait souvent de chien serbe au service Todt… J'étais jeune et je dois dire que ça m’affectait beaucoup. Heureusement, ça s'est calmé car Todt a su faire venir les sponsors, Michael Schumacher et Ross Brawn pour former une équipe gagnante. À partir de là, les plus belles années ont commencé. »

À l’inverse, y a-t-il eu des moments particulièrement forts, au point de vous tirer des larmes de joie ?
« En moto, chaque titre s'apprécie différemment. Le premier a vraiment été quelque chose d'exceptionnel, car on venait tout juste de créer l'équipe avec Danny Kent et au final, on gagne le Championnat ! Difficilement d'ailleurs, car au regard de son début de saison, il aurait dû le survoler, mais par la suite il s'est un peu écroulé psychologiquement. Au bout du compte, le fait que ça se décide à Valence était peut-être encore plus beau. 2016 fut à l’inverse beaucoup plus compliqué, avec ce changement de motoriste. La KTM n’était pas une mauvaise moto en soi, puisque cette année-là, Brad Binder a été Champion du Monde avec. Mais nos techniciens ne la connaissaient pas, Joan et Fabio ont également eu du mal à s’adapter, bref une accumulation de problèmes. C'est dommage, car on avait deux grands pilotes ! »

Quel bilan dressez-vous de cette saison 2019 ?
« Je dirais que la fin a été plus facile que le début. L’an passé, Lorenzo avait progressé tout au long de la saison, mais sur les premiers Grands Prix, allez savoir pourquoi il n’arrivait jamais à concrétiser, c'était l'éternel second. Il menait toute la course et se faisait passer au dernier virage. Comme on a créé cette année une académie à Palma avec l'entraîneur de Joan Mir, on y a envoyé Lorenzo. Il y a passé beaucoup de temps à s’entraîner et je pense que ça lui a fait du bien, car quand on est arrivés en Asie, il s'est véritablement libéré. Certes, Arón Canet a commis des erreurs, mais c’est aussi parce qu'il essayait de suivre Lorenzo pour gagner. Quand bien même, vu comment il a fini la saison, de toute façon, il aurait gagné et puis, comme ça on était un peu plus tranquilles à Valence ! »

Quelles sont les perspectives pour 2020 ?
« On a deux bons pilotes : Dennis Foggia, ex-vainqueur du FIM CEV Repsol et Jaume Masia, qui est tout aussi rapide malgré quelques chutes. J'ai confiance en eux et on va les envoyer à Palma de Majorque pour qu'ils s'entraînent intensivement avant que les essais officiels de février débutent. On vise évidemment le titre, mais on fait un peu figure d’équipe à battre… On va donc essayer de se maintenir à notre niveau, même si on n’est jamais assuré de rien, d'autant plus que cette saison sera très longue. Je pense qu'on pourra quand même faire quelque chose de bien, même si j'ai remarqué que l'on gagne chaque année impaire: 2015, 2017, 2019. Espérons que l'on pourra briser cette maudite série (rires) ! »