Tour d’horizon des francophones du paddock : M. Grodecoeur

Le responsable technique de l’American Racing Team vous décrit son parcours, tout en évoquant ses perspectives pour 2020.

Comment avez-vous attrapé cette passion des sports mécaniques ?
« J'ai toujours aimé la compétition, surtout la Formule 1. La moto est en fait venue plus tard, du temps où j’étais au lycée. Mais je savais surtout que je voulais travailler dans la technique et plus particulièrement dans les sports mécaniques. »

Décrivez-nous les grandes lignes de votre parcours.
« 
J'ai fait une école d'ingénieurs au cours laquelle figurait un cycle d'apprentissage. J'ai évidemment cherché dans les sports mécaniques et je suis tombé sur Akira Technologies. Pour moi, ça ne pouvait pas mieux tomber, puisque cette société travaillait entre autres sur les moteurs destinés aux compétitions moto. Ma grande chance, c'est que je suis directement arrivé sur un passionnant projet de moteur MotoGP™. Même s'il n'a jamais été utilisé en Grands Prix, j'ai énormément appris. Au terme de ces trois années, je devais encore faire six mois à l'étranger, donc je suis parti en Espagne, chez Inmotec – une entreprise partenaire d’Akira, davantage centrée sur la partie cycle. Là, j'ai beaucoup dessiné, qu’il s’agissent de châssis ou d’autres pièces. Comme ils participaient aussi à quelques courses du CEV, je m'y suis rendu ; ce qui m’a permis de découvrir d’un peu plus près le monde de la compétition. À la fin de mes études, c’était devenue une évidence : je voulais vraiment travailler dans ce milieu et j'ai accepté l’offre d'Alain Bronec, qui me proposait de travailler dans son team Moto2™. Après une saison 2012 passée à combiner deux catégories, il a été décidé de dissocier la structure Moto2™ et de créer une équipe à consonance helvétique pour faire rouler les pilotes suisses avec Fred Corminboeuf. Accompagné de ce dernier, de Gilles Bigot et de Julien Maréchal, on a donc monté une structure basée près du Circuit Paul Ricard - CGBM Evolution. Ça bien fonctionné jusqu'en 2017, avec notamment Tom Lüthi deux fois vice-Champion du Monde. L'objectif du team a toujours été d'amener nos pilotes en MotoGP™, mais quand Tom Lüthi est parti, les financements suisses se sont arrêtés. L'année 2018 a donc été très difficile. Fort heureusement fin 2015, j'avais repéré Iker Lecuona, quelqu'un de très talentueux. On avait commencé à le faire courir en CEV avant de le faire passer en Grands Prix. En 2017, ça avait été compliqué, cependant on a persévéré en 2018, conjointement à Sam Lowes, et ça s’est bien déroulé, tant sur le plan technique que sportif. »

Quels sont les moments les plus difficiles auxquels vous avez dû faire face ?
« Sans aucun doute l'hiver 2018-2019 où, suite à des partenaires dont on n'a jamais vu l'argent, on s'est retrouvé avec de gros problèmes financier, sans compter que notre principal associé avait complètement disparu. Comme Gilles nous avait déjà quitté fin 2017, tout reposait sur les épaules de Julien et sur les miennes. Heureusement, on a eu la chance de trouver Eitan Butbul qui a repris l'équipe sous le nom American Racing. Au final, on ne peut pas dire que 2019 ait été une année facile, mais on a commencé à respirer dirait-on, avec un cap à suivre et aujourd'hui, nous sommes quasiment sortis des problèmes. De plus, l'énorme progression d'Iker nous a vraiment motivés, avec un grand saut en MotoGP™ comme résultat à seulement 19 ans. »

À l'inverse, y a-t-il eu des moments particulièrement forts qui vous ont tiré des larmes de joie ?
« Il y en a eu trois ; le premier étant le podium d'Iker au GP de Valence 2018. Même si c'était sous la pluie et que la situation était un peu tendue au sein de l’équipe, c'était sportivement, l'accomplissement d'une belle saison. Ensuite, je dirais les essais hivernaux 2019 qui, pour moi, ont été comme une bouffée d'oxygène. De mémoire, on était troisième à Jerez à moins d'un dixième de Brad Binder alors que nous n’avions pas du tout roulé. Enfin, je retiendrais le podium d'Iker en Thaïlande, qui nous a apporté de très belles émotions. Une belle manière de clôturer ces quatre années de travail passées ensemble. »

Quel bilan dressez-vous de cette saison 2019 ?
« Honnêtement, je suis très content de cette saison 2019. On avait une moto qui n'était pas facile, sans qu'on puisse vraiment savoir pourquoi. Il y a eu beaucoup de châssis différents, mais on a préféré conserver le même et le faire évoluer dans le sens qu'on jugeait utile. Je pense qu’en fin de saison, on avait ainsi le meilleur package chez KTM, même si Brad Binder était le meilleur pilote du Moto2™ à mes yeux. À défaut d’avoir été sacré, il a montré qu'il avait un talent exceptionnel. Nous, avec Iker, on a beaucoup appris durant cette année, que ça soit sur le plan technique, humain ou sportif, et je pense qu'il a beaucoup mûri ! Son premier week-end MotoGP™ en est le plus bel exemple. »

Luca Marini, Sky Racing Team VR46, PTT Thailand Grand Prix

Quelles sont les perspectives pour 2020 ?
« Je peux désormais me concentrer pleinement sur mon rôle de responsable technique, en particulier avec Marcos Ramírez dont je vais m'occuper. La pression est néanmoins plus grande, car c'est la première fois depuis que je suis en Grand Prix que je vais vraiment avoir un ‘Top pilote’ Moto3™. Il a donc des ambitions très élevées pour ce qui est du Moto2™. Nous prendrons donc comme référence, ce qu'ont fait les meilleurs rookies de la catégorie, à savoir Maverick Vinales et Marc Márquez. Mon objectif sera donc que Marcos reparte avec ce trophée et le plus de points possible. »