Jarvis : « Nous avons les meilleures line-ups du MotoGP™ »

Dans une interview signée Stefano Padovani, le Managing Director de Yamaha Motor Racing analyse leur potentiel pour cette saison 2020.

Lin Jarvis - Managing Director de Yamaha Motor Racing et Team Principal du Monster Energy Yamaha MotoGP - a accordé une interview exclusive au journaliste Stefano Padovani, il y a quelques semaines de ça au crossdromo Dorno. En voici un extrait !

Vous êtes une de figures emblématiques de Yamaha depuis de nombreuses années, mais avez-vous songé un jour de changer de marque ?
« C’est vrai que j’ai passé l’intégralité de ma carrière chez Yamaha. J’ai pensé faire quelque chose de totalement différent aux sports mécaniques. Mais votre vie n’est jamais une trajectoire linéaire. Il y a des moments où vous pouvez vous sentir frustré, où vous ressentez le besoin de rechercher un autre job. Mais je n’ai jamais pour autant considéré l’idée de travailler pour un autre constructeur. Après, j’ai la chance de travailler pour une des meilleures marques, qui plus est humaine. Yamaha est mon entreprise et le restera probablement pour toujours. »

Piloter une moto vous permet-il de mieux comprendre les soucis rencontrés par les pilotes ?
« Absolument ! Après, je ne me permettrais jamais de leurs performances aux miennes... J'ai pratiqué à plusieurs reprises du motocross, de l’endurance. J’ai aussi piloté la M1 au Mugello, Misano, Silverstone et ça me permet d’avoir une idée de ce qu’ils ressentent, même si c’est à un tout autre niveau. »

Lin Jarvis, ©Stefano Padovani

Avoir à gérer un pilote comme Valentino Rossi complique-t-il votre travail ?
« C'est un privilège de travailler avec lui. Il fait partie de l'entreprise depuis de nombreuses années, il nous a offert quatre titres, avant de se lancer dans un nouveau défi et de nous retrouver. Son histoire avec nous se divise en plusieurs chapitres. Tout droit venu de chez Honda, ça a commencé par des années de franc succès. Quand il est revenu pour notre plus grand plaisir, nous lui avons en quelque sorte donné l’opportunité de prolonger sa carrière, malgré une période plus difficile. Mais en 2015 par exemple, il était tout proche de remporter le titre. Il a toujours été très compétitif et motivé. Parfois, ce n'est pas facile de travailler avec de telles pointures. C’est un défi, mais dans l’ensemble ça reste un plaisir de travailler avec lui, surtout qu’on se connaît depuis longtemps. »

Cette saison 2020 s’annonce unique en son genre. Quelles en seront les clés selon Yamaha ?
« Je dirais que nous sommes plus préparés que tous les autres et si je me permets d’affirmer une telle chose, c’est parce que la santé et la sécurité sont des aspects que nous avons toujours pris avec un très grande considération. Notre équipe a d’ailleurs travaillé en étroite collaboration avec Dorna Sports pour élaborer un protocole fiable. Ça ne me fait pas plaisir de se soumettre à toutes ces normes, mais c’est le prix à payer pour reprendre la compétition de manière sûre et responsable. » 

Préférez-vous travailler avec des rookies ou des pilotes qui ont déjà une certaine expérience ?
« Avec le plus rapide ! Peu importe qu’ils soient jeunes ou pas, ce que nous voulons c’est renouer avec la couronne mondiale. Marc Márquez a toujours dominé ces dernières années, mais je crois que nous avons la meilleure line-up, entre Valentino, Maverick, Fabio et Franco. Valentino est de loin celui qui a le plus d’expérience, mais il est encore suffisamment rapide. À l’extrême opposé nous avons des pilotes comme Franco et Fabio, qui sont au contraire très jeunes. Et au milieu, il y a Maverick, qui pourrait - je pense – prétendre au titre cette année. »

Lin Jarvis, ©Stefano Padovani

Pensez-vous que nous aurons un ‘nouveau’ Valentino Rossi, quand ce dernier mettra fin à sa carrière ? Un pilote qui aurait la même valeur, tant sur le plan sportif que communication ?
« Ne dites jamais ce genre de choses ! Je me souviens, quand Valentino a débuté, il s’amusait et c’est d’ailleurs ce qui a séduit de très nombreux gens. Il réunissait ce talent exceptionnel et cette passion pour les sports mécaniques, tout en générant le sentiment d’appartenance à une communauté. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes pilotes talentueux, à commencer par Marc Márquez, qui est encore relativement jeune. Autant dire que certains de ses records pourraient tomber. Mais il y a aussi Maverick et Fabio. Après Valentino est unique et chacun apportera sa propre griffe, leur caractère, leur talent et leur style… La vie continue ! En tout cas il sera intéressant de voir ce que l’avenir nous réserve. »

En tant que manager, pensez-vous déjà à la relève, avec un pilote de son calibre ?
« À vrai dire, nous recherchons le remplaçant de Valentino Rossi depuis 2005, parce qu’à cette époque il y avait des chances pour qu’il nous quitte pour aller en F1. C’est pour cette raison, que nous nous sommes approchés de Jorge Lorenzo, qui nous a offert trois titres par la suite. C’était la première fois que nous avons été confrontés à cette question, mais comme je l’ai dit, il est resté et il était même à deux doigts de remporter le titre en 2015, justement contre Jorge. Maintenant nous avons Maverick et Fabio, qui a été sacré meilleur rookie la saison passée. Selon moi, nous avons déjà les personnes qui pourraient lui succéder en piste. »

Cette année encore, beaucoup de pilotes ont fait le choix de s’entraîner à motocross, que ça soit en WorldSBK, en Moto2™ ou en Moto3™. Y voyez-vous une raison particulière ?
« Le problème de notre sport, un peu comme la F1, c’est qu’il n’est pas possible de s’entraîner avec les motos utilisées en course. Vous devez chercher une alternative. Beaucoup optent pour le dirt-track, qui permet de développer cette sensibilité quand il s’agit de contrôler les glisses. Le motocross est une discipline ultra physique, mais vous pouvez y exercer ces facultés, sachant qu’à chaque tour la piste évolue. »

Lin Jarvis, ©Stefano Padovani

Mais n’est-ce pas trop dangereux pour eux ?
« Oui, absolument. Je dirige cette équipe depuis de nombreuses années et ma philosophie a toujours été la suivante : ces gars-là prennent de grands risques tous les jours, vous ne pouvez pas les lâcher que sur le week-ends de courses. Au fond, je pense qu’un Grand Prix n’est pas plus ‘protégé’ qu’un entraînement, car les pilotes aiment dans tous les cas flirter avec les limites. Nous nous devons de leur autoriser cette pratique, même si parfois elle peut s’avérer dangereuse. Nous avons eu l’exemple en début d’année avec Maverick et il y a quelques saisons avec Valentino. Andrea Dovizioso s’est lui aussi fait avoir à trois semaines du coup d’envoi. Oui c’est dangereux, il faut juste faire attention. »

Est-ce que vous suivez vos pilotes du bord de piste ou depuis un bureau ?
« Ça dépend à quelle période de l’année on est et de ce qu’il se passe. Il y a eu des GP où j’ai dû attendre le dimanche pour voir une de nos motos en action. Nous avons tout un tas de choses à gérer. Parfois, je reconnais que c’est un peu frustrant, car j’aimerais assister aux sessions depuis le box ou du bord de piste. Quand ça se présente, je vais les observer avec les coach et c’est toujours impressionnant de voir la vitesse qu’ils atteignent en étant aussi proches. »

Crédit photos : Stefano Padovani

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