En quoi Bastianini est le candidat idéal pour Ducati ?

Son chef mécanicien Alberto Giribuola, qui a également travaillé avec Andrea Dovizioso, a livré quelques arguments à Jack Appleyard.

Nous sommes jeudi sur le tracé du Mugello et un homme est au centre de toutes les attentions : un certain Enea Bastianini (Gresini Racing MotoGP™), que les rumeurs envoient de plus en plus auprès de Francesco Bagnaia (Ducati Lenovo Team). Alors certes, depuis cette troisième victoire empochée en MotoGP™, ses résultats se sont légèrement essoufflés, comme en attestent ces 11 petits points inscrits en l’espace de quatre courses.

Il n’empêche qu’il reste le candidat idéal aux yeux d’Alberto Giribuola. Et pour preuve, le pilote transalpin a officiellement été annoncé chez le team d'usine, qu'il rejoindra dès la saison 2023. Son chef mécanicien a qui plus est travaillé durant près de cinq ans aux côtés d’Andrea Dovizioso chez Ducati… Et son actuel ingénieur électronique Dario Massarin avait également officié dans leur clan ! Bref autant d’atouts. Notre journaliste Jack Appleyard a justement eu l’occasion de s’entretenir avec lui à ce sujet.

Enea Bastianini, Gresini Racing MotoGP™, SHARK Grand Prix de France

Si vous deviez comparer Andrea et Enea, aussi bien sur la piste qu’en dehors ?

« En dehors des circuits, ce sont deux garçons très détendus, avec qui il est agréable de passer du temps. On est toujours en train de blaguer. Franchement, j’ai de la chance, car j’ai pu construire une relation de confiance avec eux et ça facilite grandement le travail par la suite. En piste, ils sont tous deux très forts au freinage ; ce qui colle parfaitement avec notre moto. Du coup, ils peuvent en extraire son plein potentiel. Malgré tout, leur style diffèrent quelque peu. Bien évidemment, les pneus ont pas mal changé ces dernières années. Par conséquent, pas facile de comparer. Cela dit, Enea utilise les deux roues, alors qu’Andrea est davantage en appui sur l’avant et se contente de faire glisser l’arrière. En sortie, Enea bouge à l’inverse beaucoup plus. Parfois, il est complétement déhanché. Mais l’un comme l’autre conserve assez bien ses pneus pour la dernière partie de la course. Leur rythme est toujours bon sur la fin. »

Pensez-vous qu’Enea a un meilleur contrôle de la poignée de gaz et est-ce sa principale qualité ?

« Oui, je pense qu’Enea peut rester à la limite de l’adhérence sans trop faire patiner. Il tire profit à merveille de l’accélération, mais dans les derniers tours, il a encore 10 à 15% de plus comparé aux autres. L’an passé, il n’était pas en mesure d’attaquer au maximum, comme en qualifications, car vous devez pilotez différemment. Désormais, il est capable de faire la part des choses. Dès le Test du Qatar en 2021, on l’a vu très en confiance avec le pneu avant et ce point-là est clairement un atout, car il peut conserver beaucoup plus de vitesse, tout en négociant bien son virage. C’est vraiment spécial à voir. »

Enea Bastianini, Gresini Racing MotoGP™, Gran Premi Monster Energy de Catalunya

À quel point cette atmosphère, qui règne chez Gresini, est d’une grande aide pour Enea ?

« Je pense que le cadre contribue au succès. La pression, je la rattache au pilote et Enea n’en ressent pas. S’il est promu au sein du team officiel, je pense qu’il n’aura aucun souci à la gérer. Le plus important est de savoir que les gens autour de vous travaillent dans un but commun. Nous avons tous le sourire, l’ambiance est décontractée ; ce qui nul doute lui permet de profiter des courses, non pas comme un travail, mais comme un moment passé entre amis. Et c’est là, toute la différence à mes yeux. »

Selon votre expérience, l’atmosphère est-elle différente dans un team usine ?

« Quand vous évoluez pour le compte d’un team officiel, vous devez jongler entre de nouvelles pièces. C’est parfois difficile de décider quand effectuer tel ou tel test, sans perdre la bonne direction. Mais c’est mon boulot et pas le sien. C’est à moi de trouver comment avancer, tout en évitant de mettre trop le bazar. »

Si d’aventure, il rejoint le team officiel, votre expérience, mais aussi celle de Dario Massarin sera de la plus haute importance…

« Bien évidemment, nos expériences respectives au sein du team officiel l’aideront beaucoup. Ça fait 14 ans que nous travaillons pour Ducati. On connaît parfaitement les gens à qui on a affaire. On peut du coup gérer le stress, les choses à tester. Cette différence, on ne serait pas capables de la faire, si on partait chez un autre constructeur. On sait ce qu’on peut attendre d’eux et facilement jouer les intermédiaires lorsqu’il s’agit de communiquer. Notre passé, c’est ce qui fait notre force. »

Andrea Dovizioso, Alberto Giribuola, Ducati Team

En quoi cette relation passée est si importante ?

« La priorité du pilote, c’est de se concentrer sur son pilotage et d’apprécier son week-end. Nous devons parallèlement développer la moto, mais il y a un temps pour tout. Avec Andrea, on avait réussi à trouver un bon équilibre ; d’où ces bons résultats obtenus, tout particulièrement en 2017 – 2018. À cette époque, la Desmosedici évoluait beaucoup… Néanmoins, nous avons toujours pris les bonnes décisions quant aux éléments à privilégier. Exemple des winglets. Au départ, on ne les utilisait pas car on perdait plus que ce qu’on gagnait. On les a mises quand on a dû changer de moto. Nous n’étions pas certains des réglages. Mais avec le temps, on est parvenus à trouver un bon rythme, ce qui nous a convaincus de définitivement les adopter. Parfois, en interne, une telle attitude peut être mal perçue. Ils ont tendance à penser : ‘Tiens, ils ne cherchent pas à améliorer, ils ne s’impliquent pas.’ En fait, pas du tout. Vous devez franchir le pas, seulement lorsque vous êtes persuadés que ça vous fera progresser et non pas parce qu’on vous l’impose. Avec les ailettes, c’est exactement ce qu’il s’est passé. Sur le papier, elles nous faisaient gagner en performance. Cependant, si le pilote n’arrive pas à en faire un parfait usage, ça ne sert à rien. »

Votre confiance et votre capacité à parfois refuser : serait-ce ça l’atout d’Enea dans un team officiel ?

« Ils me connaissent déjà, ils savent que je suis compliqué, ils y sont préparés. Je sais exposer mes raisons et trouver un bon compromis de telle sorte à faire évoluer les choses. Tout est une question d’équilibre. Quoi qu’il en soit, il y a toujours eu beaucoup de respect entre Luigi, Davide et Paolo, ce qui jouerait en notre faveur. »

Enea pourrait-il constituer un danger pour Pecco, si Ducati décide de l’ériger à ses côtés ?

« Notre but n’est pas de déranger qui que ce soit, juste de gagner le Championnat. Tout dépend de la façon, dont les autres considèrent Enea. Quand Jorge a débarqué dans notre box, Andrea était là : ‘Oh mon dieu, mon coéquipier est quintuple Champion du Monde.’ Mais on est restés concentrés sur notre travail et j’ai dit à Andrea : ‘Du calme ! On a tout ce qu’il faut pour être aussi rapides que lui.’ Au final, il s’est avéré qu’on était plus rapide que lui. La pression, c’est quelque chose de purement mental. Personnellement, si on est choisis, nous nous donnerons à fond et si c’est un problème pour Pecco, ben ça sera à lui de gérer. Je pense qu’il a une bonne équipe autour de lui. Il a déjà obtenu de très bons résultats, donc je ne pense pas qu’il sera sous pression. »

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