Que ça prenne seulement quelques jours ou plus d'une décennie, on aime tous les retours héroïques quelle que soit leur durée. De Mike Hailwood à Barry Sheene, en passant par Mick Doohan, Jorge Lorenzo et l'actuel roi du come-back Marc Márquez, ils ont tous conquis nos cœurs.
Le courage de se battre pour revenir après une blessure afin de réaliser leur rêve absolu : remporter le titre de Champion du Monde. Jorge Lorenzo n'a mis que 48 heures pour entamer son plus grand retour, tandis que Marc Márquez a attendu 2 184 jours pour y parvenir. Pour Mike Hailwood, cela n'avait rien à voir avec des blessures mais plutôt avec l'ennui, alors que la plupart des gens envisagent leur retraite et de passer du temps avec leurs petits-enfants. Barry Sheene est devenu un héros national du jour au lendemain avant même sa première victoire en Championnat du Monde ou en MotoGP™, à la suite d'un documentaire télévisé sur son accident à 250 km/h à Daytona. Mick Doohan a manqué son premier titre de Champion du Monde lors de son retour pour seulement quatre points. Après son accident à Assen, il a dû attendre plus d'un an pour remporter sa prochaine victoire et deux ans et demi pour décrocher la première de ses cinq couronnes en MotoGP™.
Lorsque Honda s'est retiré des Grands Prix à la fin de la saison 1967, le géant japonais verse une somme considérable au quadruple Champion du Monde MotoGP™ Mike Hailwood pour qu'il ne signe pas chez un autre autre constructeur. L'usine de Hamamatsu lui prête même une machine multicylindre pour participer à quelques courses lucratives hors Championnat, mais le Britannique préfère se concentrer sur la Formule 1. Il y décroche deux podiums et, en 1973, il reçoit la médaille George pour avoir sauvé la vie de Clay Regazzoni en le sortant d'une voiture en feu à Kyalami, en Afrique du Sud. Cependant, l'envie de piloter des deux-roues ne quitte pas l'homme aux 76 victoires en GP. À 38 ans, il décide de revenir à la compétition traditionnelle, pas en Grand Prix, mais là où tout a commencé en 1949. En 1978, il retourne sur l'île de Man et le mythique circuit de montagne pour piloter une Ducati lors de la course TT de Formule 1. Il la gagne deux années de suite avant de prendre finalement sa retraite après s'être cassé la clavicule lors d'une course sur circuit court. Malheureusement, il décédera en 1981 dans un accident de la route avec sa fille Michelle, âgée de neuf ans.
On était tous de grands fans de Barry Sheene au milieu des années 70 et on a fait le voyage de notre vie. On a pris l'avion pour New York, puis on a parcouru toute la côte est des États-Unis en bus Greyhound pour voir notre héros participer aux 200 miles de Daytona. À notre arrivée, Barry Sheene était à l'hôpital et en passe de devenir une légende dans son pays natal, la Grande-Bretagne. La chaîne Thames Television avait envoyé le réalisateur de documentaires Frank Cvitanovich suivre Barry en action, mais personne n'aurait pu prévoir l'issue.
Alors que Barry roule à 250 km/h dans le virage incliné, sa Suzuki 750 dérape sur le côté, projetant le pilote vers le ciel de Floride, avant de finir sa course après 300 mètres de glisse sur le bitume. Tout est filmé, et deux images font de Barry le héros de la nation : recroquevillé en boule, il essaye de détacher la sangle de son casque avec son bras droit cassé puis, allongé aux urgences, il décrit ses blessures à la caméra. Une fracture du fémur droit et du bras droit, des fractures par compression de plusieurs vertèbres et la peau arrachée sur la majeure partie de son dos, explique-t-il à la caméra avant de demander une cigarette. Seulement sept semaines après l'accident, il est de retour en piste à Cadwell Park et, quatre mois plus tard, il remporte son premier Grand Prix MotoGP™ au terme d'un duel épique avec Giacomo Agostini à Assen.
Barry Sheene remporte ensuite deux Championnats du Monde MotoGP™ et 18 autres Grands Prix. En 1982, alors qu'il est à la lutte avec Kenny Roberts pour le titre mondial, il est victime d'un accident lors des essais du Grand Prix de Grande-Bretagne à Silverstone. Souffrant d'une fracture du poignet gauche, d'articulations cassées, de genoux brisés et de sourcils brûlés après cet accident spectaculaire, sa carrière semble définitivement terminée. Cependant, sept mois plus tard, il fait son retour lors du premier Grand Prix de la saison 1983 à Kyalami. Il termine 10e et disputera deux saisons supplémentaires.
En 1992, Mick Doohan débarque à Assen dans une forme étincelante et plein d'entrain. L'Australien a remporté les quatre premiers Grands Prix, terminé deuxième des deux suivants et gagné le dernier, ce qui lui permet de mener le Championnat avec 53 points d'avance. Au cours d'une séance de qualifications chaotique, Mick Doohan se fracture la jambe droite dans une chute et décide de se faire opérer à l'hôpital local.
Tout semble s'être bien passé mais l'Australien commence à s'inquiéter car sa jambe noircit un peu plus chaque jour. L'hôpital ignore ses inquiétudes mais lorsque l'amputation est évoquée, quelqu'un doit intervenir. Le célèbre médecin de Grand Prix, le Dr Costa, kidnappe Mick Doohan et Kevin Schwantz (lui aussi blessé) de l'hôpital et les emmène par avion à sa clinique d'Imola, en Italie. Mick est ensuite transféré dans une clinique aux États-Unis, où les médecins se battent pour éviter l'amputation de sa jambe droite. À un moment donné, il se retrouve même avec les deux jambes cousues ensemble pour maintenir la circulation sanguine, tandis qu'il regarde Wayne Rainey revenir lentement mais sûrement au Championnat. Le natif de Brisbane ne peut tout simplement pas laisser cela se produire et, sept semaines après l'accident, il est en piste à Interlagos, au Brésil, pour l'avant-dernière manche de la saison.
Il peut à peine marcher et encore moins piloter une machine MotoGP™ sur une piste très difficile et glissante. Wayne Rainey compte 22 points de retard mais s'impose et revient à seulement deux unités grâce à sa victoire tandis que Mick Doohan, 12e, repart bredouille du Brésil. Tout se joue lors de la dernière manche à Kyalami, en Afrique du Sud. Wayne Rainey sait ce qu'il a à faire, et il le fait. Mick Doohan réussit à surmonter la douleur pour terminer sixième, mais la troisième place de son rival lui suffit pour remporter le titre pour quatre points.
Mentalement et physiquement, Mick Doohan mettra beaucoup de temps à s'en remettre. En 1993, plus d'un an après l'accident d'Assen, il remporte une victoire au Mugello et s'ouvre la voie pour quelque chose de bien plus grand. Cinq titres consécutifs en MotoGP™ suivront avant qu'un autre accident à Jerez en 1999 ne mette fin à sa carrière incroyable.
Le septième titre de Marc Márquez à Motegi bat tous les records de longévité d'un retour. C'est un exploit stupéfiant qui, honnêtement, ne peut être égalé par beaucoup, voire aucun autre sportif. Par où commencer ? 1 043 jours entre deux victoires en Grand Prix, 2 184 jours entre les deux derniers Championnats du Monde, 108 chutes et cinq opérations majeures pendant cette période.
À l'opposé de cette échelle de temps, mais faisant preuve du même courage et de la même détermination se trouve un autre Champion du Monde MotoGP™ espagnol : Jorge Lorenzo.
Il y a 12 ans, sur le circuit humide d'Assen, Jorge Lorenzo chute lors de la deuxième séance d'essais du jeudi. Sur le coup, il ne fait aucun doute qu'il s'est cassé la clavicule, son épaule gauche tombant de manière inquiétante alors qu'il s'éloigne en boitant. On s'est demandés quand le Champion du Monde reviendrait, mais on n'aurait jamais imaginé que ce serait deux jours plus tard. Il s'est envolé pour Barcelone afin de se faire poser une plaque en titane avec 10 vis pour réparer l'os cassé. Il est revenu à Assen le vendredi soir et a terminé à une incroyable cinquième place après 26 tours de course douloureux. Malheureusement, cette histoire ne connaît pas de fin heureuse pour le Champion du Monde puisque deux semaines plus tard, il chute au Sachsenring et se casse de nouveau la clavicule. Le titre reviendra finalement à Marc Márquez, alors rookie de la catégorie. Moins d'un an et demi plus tard, Jorge Lorenzo rebondira en décrochant son troisième Championnat du Monde MotoGP™ en 2015.
Peu importe la durée, les circonstances et la gravité des blessures. Tous ces pilotes, et bien d'autres encore, sont de véritables héros.