Le jeu de l’attente, par Nick Harris

L’ex-commentateur du MotoGP™ évoque les fois où le titre s’est décidé lors de la finale, avec parfois des pronostics totalement déjoués.

Ils se sont serrés la main sur le tour de décélération comme de vrais guerriers, respectueux et reconnaissant des performances exceptionnelles de leur rival à Sepang. Francesco Bagnaia (Ducati Lenovo Team) et Fabio Quartararo (Monster Energy Yamaha MotoGP™) doivent désormais patienter jusqu’à Valence : 14 petits jours à tenir pour savoir qui des deux repartira avec la couronne.

Au cours des 74 dernières années, de nombreux pilotes ont dû faire face à cette attente interminable. Au total, 18 titres se sont décidés lors de l’ultime manche en catégorie reine… Mais seulement trois fois, l’outsider y battait celui qui était arrivé en position de force.

Le plus grand revirement a eu lieu en 2006, quand Nicky Hayden a été sacré alors que Valentino Rossi avait huit points d’avance en amont de Valence. La première fois qu’on eut droit à une finale décisive, c’était en 1950 à Monza : une course remportée par Geoff Duke. Mais à un point près, ce dernier était privé du graal par Umberto Masetti, classé deuxième ce jour-là. Et le dernier ‘showdown’ remonte à 2017. Marc Márquez (Repsol Honda Team) l’avait abordé avec 21 longueurs d’avance sur Andrea Dovizioso.

Alors, que font les coureurs en attendant cette confrontation finale ? Car parfois ces derniers ont dû patienter facilement un mois… Exemple de Freddie Spencer et de Kenny Roberts en 1983, qu’on avait laissé à Anderstorp, sur un dernier tour mouvementé. Le jeune Freddie y avait porté une attaque sur un triple Champion du Monde, nullement impressionné, pour repartir de la Suède avec cinq unités d’avance. Tous deux étaient rentrés chez eux, aux États-Unis. L’un avait passé du temps avec sa famille à Shreveport, l’autre était occupé à jouer au golf dans son ranch californien. Puis arrivait Imola : un rendez-vous que Freddie Spencer allait gérer, en se contentant de suivre son adversaire, qui tenta par tous les moyens pour essayer de le déstabiliser. Fast Freddie empochait ainsi son premier titre en 500cc.

Neuf ans plus tard, Mick Doohan aurait pu se réjouir de ces quatre semaines. Mais l’Australien n’en aura que deux, histoire de se remettre d’aplomb pour cette finale de Kyalami. Lequel avait fait son retour de convalescence à l’occasion de l’épreuve précédente au Brésil. Le représentant Honda avait encore un avantage de 22 longueurs. Problème : il pouvait à peine marcher ou conduire une moto. Mick Doohan terminait au bout du compte 12e après 121 km de pure agonie et sans le moindre point. La victoire de Wayne Rainey le plaçait du coup à deux unités. Entre les deux Grands Prix, le natif de Brisbane aura enchaîné les heures de traitement médical… en vain. Sa sixième position n’aura pas suffi. Wayne Rainey décrochait la couronne pour un rien, en grimpant sur la troisième marche du podium.

Les grands champions anticipent, planifient. Kenny Roberts et Barry Sheene réalisaient rapidement que le Championnat du Monde 500cc 1978 se déciderait sur le vieux circuit routier du Nürburgring. Kenny Roberts avait déjà roulé là-bas sur une moto de série, dans le cadre d’une journée piste. Barry Sheene lui, ne faisait jamais rien comme les autres. Le double Champion du Monde avait en l’occurrence réussi à convaincre Rolls Royce de lui prêter une de ses Silver Shadow, pour les besoins d’un soi-disant voyage à travers l’Europe. Avec son grand ami Steve Parrish en guise de copilote, ils iront au lieu de ça prendre leurs marques sur le tracé allemand. Quant à la luxueuse berline… ils la rendront dans un tout autre état. Pas sûr que Rolls Royce aurait accepté de lui allouer de nouveau une voiture. Malgré les deux jours d’entraînement, Barry Sheene n’y terminait que quatrième, juste derrière le premier Champion du Monde américain Kenny Roberts.

Alors je ne pense pas que Pecco ou Fabio seraient du genre à appeler Rolls Royce pour un essai routier. Cela dit ces 14 jours devraient permettre au Français de récupérer quelque peu de sa fracture au doigt.

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