Ce moment de solitude, par Nick Harris

L'ex-commentateur du MotoGP™ revient sur cet abandon de Francesco Bagnaia, en parfait contraste avec l'atmosphère qui régnait au Mans.

Alors que la fête battait son plein, aussi bien sur la piste qu’en dehors avec un Enea Bastianini (Gresini Racing MotoGP™) en route pour son troisième succès de l’année et un Fabio Quartararo (Monster Energy Yamaha MotoGP™) porté par près de 110 000 personnes face à Aleix Espargaró (Aprilia Racing), un homme remontait seul la pitlane, la visière de son casque encore baissée : Francesco Bagnaia (Ducati Lenovo Team).

Cette image était tellement poignante, tant elle était en parfait contraste avec l’atmosphère du moment. Elle était l’illustration même de cette fine frontière entre la gloire et la défaite. Quelques minutes plus tôt, l’Italien s’était fait piéger au niveau du raccordement ; une chute qui mettait un terme à ce combat en tête de course, mais pas seulement… Le Turinois était bel et bien conscient d’avoir perdu là, de très gros points au Championnat. S’il n’y avait pas eu le rugissement des moteurs ajoutés aux clameurs du public, on en oubliait presque qu’on était sur un circuit.

Parallèlement à ce désespoir connu par le transalpin, le GP de France enregistrait à vrai dire un record d’affluence. Et tout aura été fait pour occuper les fans, au-delà du spectacle offert en piste : de cette démonstration de french cancan sur la grille, aux concerts. Sans oublier le Champion du Monde Fabio Quartararo reçu comme une véritable rockstar.

Sur ces terres, réputées pour leur héritage automobile, j’ai parfois eu l’impression de recevoir un accueil mitigé. Mais quel travail accompli depuis par le promoteur Claude Michy ! Bien évidemment, les prestations de Johann Zarco (Pramac Racing) et de Fabio Quartararo y sont aussi pour beaucoup. Toujours est-il que ces efforts finissent enfin par payer.

Je me souviens il y a 40 ans, les stars de la grille, réunies au motorhome de Barry Sheene, m’avait demandé d’écrire une lettre pour boycotter l’épreuve de Nogaro, car jugée trop dangereuse. Au bout du compte, l’évènement s’était déroulé uniquement en présence de ceux qui avaient besoin d’argent en vue de la manche suivante.

Nous avons adoré le tracé Paul Ricard, baigné de soleil. Magny-Cours n’aura pour sa part été visité qu’une seule fois, en 1992. Je garde toujours en mémoire ma première venue au Mans, il y a 39 ans. C’était pour un week-end de Pâques et il faisait un froid glacial. Il y avait eu un monde fou sur le périphérique parisien… Comme il n’y avait pas de chambre d’hôtel disponible à proximité, j’avais dormi à l’arrière d’une fourgonnette et célébré une des rares victoires britanniques, celle d’Alan Carter en 250cc. Cela dit, en dépit de toutes les améliorations apportées en matière de sécurité, beaucoup de chemin restait à parcourir. Michel Frutschi, qui avait remporté cette fameuse manche de Nogaro dont je viens de vous parler, se tuait en effet à l’occasion de la course 500cc. Le Japonais Iwao Ishikawa perdait également la vie en essais dans un accident.

Et qui l'aurait cru à l'époque : Le Mans, devenu la seule étape sur le territoire français, rivalise désormais avec des Grands Prix comme ceux d'Espagne ou d'Italie !

Prochain rendez-vous : le Mugello. Ce moment de solitude vécu par Francesco Bagnaia ne pourrait d'ailleurs être qu’un vieux souvenir, à condition qu’il triomphe devant cette foule de passionnés. Quoi qu’il en soit, ce Championnat promet d’être encore long, car nous en sommes à peine au tiers de la saison.

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